Il avance comme hypnotisé par la croix. Une voix intérieure s’éveille et devient de plus en plus nette, ” …or … ist ! “ ; il est certain que ce n’est pas une langue germanique ; ” … cor du … ist ! “. Un lecteur tend une carte au bibliothécaire. Il n’en a pas, mais ça ne inquiète pas. “Le corps du Christ !” Une pensée traverse son esprit, tout les matins, juste avant l’ouverture, le Christ descend de sa croix et s’installe derrière le petit bureau et tous les soirs, après la fermeture, il remonte sur la croix. “Le corps du Christ !” Le bibliothécaire est barbu et porte une couronne d’épine.

Il n’a pas besoin de carte d’abonné, ni de chercher, un dernier regard sur la croix, “Le corps du Christ !” et il se dirige vers l’escalier en colimaçon. Juste le temps de noter en passant, deux sabots fendus sous une table et il arrive sur la passerelle ; sixième colonne, troisième étagère, un gros volume poussiéreux.

Le livre est lourd, l’escalier raide, une table libre. Il n’ose plus regarder la croix. La couverture épaisse ne comporte aucun titre, les premières pages sont jaunies par le temps. Les livres anciens ont toujours des pages jaunies par le temps. Il revient à la première page. Le vélin, plutôt écru, est doux au toucher et invite à tourner les pages. La calligraphie est envoutante, le texte incompréhensible. Quelques mots, pourtant, lui reviennent en mémoire. Les enluminures l’attirent de plus en plus vers un monde irréel. Les pages tournent, des voix se bousculent dans son esprit, certaines en latin, d’autres en français …

Bip, bip, bip, bip … ” journal vous est présenté par … “